Les pays, c’est comme les Pokémons - je veux tous les attraper. Ça faisait longtemps que la Colombie flottait sur ma Liste et pourtant, je n’étais pas si pressé d’y aller. La peur, l’insécurité et surtout beaucoup d’ignorance m'incitaient à repousser ce voyage qui m'attendait. Le passé tumultueux de la Colombie nous pousse à de mauvaises associations. On pense drogues, conflits, et banditisme. On peut aussi penser aux peuplades indigènes, à l'Arabica et aux paysages luxuriants. Bien sûr que c’est cliché, bien sûr qu’il y a des escrocs malveillants et bien évidemment que la Colombie est bien plus complexe que ça. Ce n’était donc pas une priorité pour moi d’y aller, mais quand l’opportunité s’est présentée, je l’ai saisie à bras levés.
Avant de te raconter des bribes de ce périple, je voudrais t’expliquer comment le choix est devenu une évidence pour moi, car ça pourrait t’inspirer pour tes futurs OUI. On était basé chez mes beaux-parents en Floride et j’avais grand besoin d’une échappée solo. J'ai passé mon hiver à cultiver des orchidées pour les réinsérer en mode pirate dans la société ou pour quelques dollars chez les particuliers. Ça m'a permis de faire un tas de belles rencontres et notamment une qui m’a profondément touché. Une dame de Puerto Rico m’a écrit sur Facebook pour me demander d’échanger des plantes avec elle. Forcément que je dis OUI. On approfondi nos échanges, on sympathise en ligne et on s'envoie des photos pour partager notre passion des végétaux. Je finis par me dire que ce serait une bonne idée de la rencontrer pour boire le café de l'amitié et chatouiller ses orchidées. Petite parenthèse existentielle: ma vie est simple. Je suis mon excitation à tout moment, sans attente d’un résultat en particulier et je me laisse surprendre par ce que/qui l’Univers met sur ma route. Ça fait plus de 20 ans que je fonctionne comme ça, et ça marche très bien pour le moment. Je vis dans le Flow et je finis toujours quelquepart. Je jette un oeil aux billets d’avion, et grâce à l’option ‘Explore’ de Google Flight, je découvre les prix du moment sur pleins d’autres destination plus ou moins proches de la Floride. Je peux aller à Aruba, aux Îles Caïmans, ou même aux Bahamas pour moins de 100$. Et puis, je vois un vol à très bon prix pour Medellín en Colombie. Mon coeur s’illumine à cette opportunité qui pointe enfin le bout de son nez et je me convainc facilement que c’est un signe de l’Univers. Et dans ce cas là, il suffit de se lancer!
Je consulte mon épouse et elle me donne le feu vert, car la Colombie n’est pas une destination qui la fait rêver. On a une règle - je peux voyager solo, mais je dois l’attendre pour certaines destinations qu’elle veut explorer ensemble - J’ai promis de l’attendre pour l’Iceland, la Laponie, l’Argentine, Hawaii, la Nouvelle-Zélande… En revanche, pour l’Éthiopie, Madagascar, ou l’Afghanistan, j’ai carte blanche!
C’est donc parti our 3 semaines de pèlerinage solitaire en Colombie. Ay Caramba! Sans réel projet ni plan, et avec une totale méconnaissance de la géographie colombienne, j’imagine faire le tour du pays et jongler avec la biodiversité - plages caribéennes, îles sauvages et protégées, plantations de café, cascades monumentales, ascension d’un volcan, désert du Tatacoa, rencontres avec des arbres uniques au monde, passage dans la jungle et petit séjour chez des amis chamans pour un voyage au yagé (ayahuasca). Ok, j’ai vu gros et mon appétit s’est vite calmé quand j’ai pris conscience de l’ampleur du pays. Choisir c’est refuser, alors j'ai révisé mon appétit pour mieux en profiter. Pour ce premier voyage, je me contenterai de suivre la cordillère des Andes qui coupe la Colombie du sud au nord et en son centre. J’ai un seul RDV à honorer - je veux offrir une semaine de mon temps dans la ferme fruitière de l’amie d’un ami. C’est un petit paradis à taille humaine et je suis enjoué à l’idée de jardiner cette abondance.
J’ai le luxe de pouvoir voyager en hors saison alors je découvre un Medellín allégé de la masse touristique, avec toute la place qu’il me faut dans les cafés et des ruelles paisibles pour flâner silencieusement entre les parcs arborés. Je m’installe quelques jours dans le magnifique quartier de Poblado, et pointe toujours le premier, très tôt le matin, aux cafés du coin. Je plonge la tête dans mes livres et mes poèmes et me rempli de caféine pour mieux laisser couler mon encre.
L’intuition me mène toujours quelque part et je prends le temps de disséquer les fresques murales hautement significatives, et dénicher les compositions végétales que les jardiniers amateurs s’amusent à cultiver.
J’aime les détails qui passent inaperçus, les petits trucs de la vie qui m’en disent tant sur un peuple. J’ai parfois l’impression de passer pour un pervers, car j’adore observer comment vivent les gens, ce qu’ils accumulent sur leur balcon, comment ils sirotent leur café et tripotent leur téléphone. Mon regard est à poil sans mes lunettes de soleil. Si tu me regardes, tu me vois te regarder en retour. Je vis la vie en poésie et dans ma tête, je fais rimer tout ce que je vois à une audience qui n’existe pas. J’écris des poèmes instantanés que j’oublie aussi vite. Des vers qui ne verront le jour que dans le silence de ma présence. En Colombie, y’a des trucs à manger de partout, et la faim se coupe à coups de fritures ou de fruits morcelés à la machette. Tu n’auras aucune difficulté pour trouver un ‘tinto’ (un café noir) qu’on te servira dans un double gobelet en plastique pour éviter que le premier fonde entre tes doigts. On te le sert depuis un Thermos et trop souvent déjà sucré à la panela (sucre de canne). Je mets de côté mon purisme, surtout quand la tasse vaut 30 centimes et je profite des coins de rues pour faire circuler mon abondance. J’offre des tournées de cafés aux squatteurs des bancs publics et on fait plus ample connaissance en pleine présence. La caféine a beau être une addiction, c’est avant tout ma solution pour rencontrer la population.
J’avoue, ce n’est pas le meilleur café du monde et j’ai l’impression de consommer un breuvage infusé au plastique mais c’est le café de la rue et on finit par l’apprécier. Pour un bon café, il y a des lieux particuliers, avec des baristas formés pour manipuler le riche attirail de l’extraction de café. Il y en a pour tous les goûts, et chacun pourra trouver la machine parfaite pour assouvir ses envies d’ingénierie. Personnellement, j’ai un faible pour cette imposante Italienne en forme de suppositoire, et à la robinetterie inutilement sophistiquée. Elle mijote doucement sur le feu toute la journée, et préparer une tasse de café avec elle demande autant d’adresse que la conduite d’une locomotive à vapeur. Tu peux également opter pour la Chemex en verre avec ses larges hanches et sa bouche généreuse au travers de laquelle on déverse une eau à température impeccablement contrôlée. Bref, tu peux passer des journées à siroter l’éventail qu’offre le monde du café, et ça tombe bien, car c’est en grande partie pour ça que je suis venu.
Je file en direction du sud, à Pasto, et remonte en zigzag la cordillère colombienne grâce à un ingénieux réseaux de petits vans bondés qu’on choppe au vol. J’apprécie la liberté de monter et descendre où bon me semble, et encore plus quand on connait l’optimisme irréaliste des compagnies de bus colombiennes qui promettent des temps de trajets records: ‘Solo 3 horas’ peut facilement se transformer en 5h, voire plus si on s’arrête pour casser la croûte, ou quand on crève un pneu chemin faisant. Paciencia amigo! "Un homme pressé est un homme déjà mort" me disaient les Berbères. En Colombie, t’apprend à lâcher prise sur les aiguilles qui défilent dans ta montre. Tu choisis une destination finale, et tu fais confiance à tes bergers routiers qui te mèneront inévitablement quelque part. L’autre option, se sont les bus modernes tout comfort, avec des écrans individualisés sur chaque fauteuil et des WC presque toujours propre, mais ils ne désservent que des villes que je souhaite éviter. Alors, je m’en remets aux petites routes de montagnes, non pas que j’aime lutter avec mon ami le vomi, mais au moins, les panoramas resteront gravés en moi. Pour apprivoiser ces longs trajets où le réseau cellulaire se fait fantôme, je laisse mon imaginaire vagabonder à travers les paysages montagneux, explorant les mille vies que j’aurais pu mener. Je dessine des fermes sur les collines escarpées, plante des fruitiers dans les trous de verdure qui n’attendent que ça, et me fantasme à méditer en famille au pied des cascades vertigineuses. Mes rêveries sont interrompues par des vendeurs ambulants qui assaillent notre vaisseau roulant avec des propositions sucrées, salées, pré-découpées en petits carrés et même emballées pour voyager. Je n’ai pas vraiment faim mais j’achète pour manger du temps et proposer des morceaux de générosité aux autres passagers. J’explore quelques villages, des colorés et des bétonnés, des plus ou moins fréquentés. Je traine dans les églises pour observer comment les locaux vivent leur foi et passe peut-être trop de temps sur les bancs publiques à surligner des versets bibliques. Tenir une Bible dans la main attire les Chrétiens comme les miettes de balcon avec les pigeons. Je prends beaucoup de plaisir à écouter ce que chacun souhaite me partager et suis inspiré par les histoires qu’on ose me raconter.
Le reste du temps, je baigne dans un silence intérieur que seul mes flatulences viennent briser. Un estomac qui carbure aux frijolitos (haricots) aura des messages à partager. Je ne mange qu’un vrai repas par jour et me contente inlassablement de la formule populaire à moins de 4 euros: une soupe de légumes parsemée de morceaux de bidoche non-identifiés (que je soupçonne fort être des abats et que je refile discrètement aux chiens du coin), du riz aux flageolets (ou parfois le contraire), une protéine au choix et un verre de jus coupé à l’eau. J’accepte immanquablement un ‘tinto’ (un café) pour couronner le tout, même si je suis déjà en excès de caféine et que j’en programme encore un ou deux dans les heures à venir. J’ai de la chance car je ne suis pas fan de leurs pâtisseries que je trouve toujours trop sèches ou fades. Je préfère me faire des razzias dans les stands de fruits, et me gorger de papaye, d’avocat, corossol, fruits de la passion et d’autres dont j’ai oublié le nom, mais pas le goût. Ma gourmandise me joue des tours car, moi qui vente à tout vent les mérites du voyage ultra léger, me voici contraint à porter des sacs de fruits qui pèsent des tonnes. Je suis frappé de plein fouet par la maladie du buffet à volonté. Je rempli mes sacs de provisions comme les paranos remplissaient leur caddie pendant la crise. Pourtant ici, les fruits, c’est comme les fumeurs de crack, on en trouve à tous les coins de rue.
En parlant de drogues, j’imagine que l’association entre la Colombie et la cocaïne est bien établie dans vos neurones. Je sais aussi que beaucoup y vont pour cette raison et c’est compréhensible, même si c’est encore un gros point de douleur pour la population qui a tellement souffert de son histoire. Perso, je ne consomme pas de poudre blanche et je refuserai toute opportunité d’y goûter, même si c’est la plus pure des pures ou si Pablo Escobar en personne m’en proposait. En revanche, j’aurai pu être bien plus tenté d’apprivoiser l’Herbe locale de Popayán qui selon les dires d’un neo-camé relâcherait l’énergie tellurique du volcan Puracé dans chaque latte. Je me permets quelques lignes (d’écriture) pour immortaliser ce gars et son chien rencontrés au coin d’une rue. Un homme de plus à rejoindre l’armée grandissante de toxicos titubant maladroitement vers leur prochain shoot de ‘basuco’. C’est quoi le basuco? C’est une drogue issue des résidus de la production de cocaïne contenant des impuretés toxiques et des substances dangereuses comme du kérosène, de la chaux ou du ciment - miam miam! Bruno, un mendiant efflanqué, anciennement tatoueur à succès, qui après sa première pipe de crack s’est laissé dérailler vers une vie de mendicité pour financer sa prochaine bouffée. Un gars très intelligent et encore assez lucide pour pleinement accepter la fatalité de sa vie de drogué. Des gens comme lui, on en voit à la pelle et ils ne se cachent même plus pour allumer leur calumet artisanal. Ils trainent devant les églises pour permettre aux chrétiens d’honorer leur devoir de charité ou du côté des cafés pour gratter un beignet ou une tasse de générosité. C’est un fléau que je ne trouve pas beau, mais qui ne me rebutera pas assez pour faire circuler quelques pièces de monnaie. Je prends le temps de discuter, de les rencontrer et le bon samaritain en moi se réjouit de partager mon petit festin andin.
J'ai encore pleins de choses à te raconter et psuique je sais que ton temps est précieux, je te raconterai tout ça au prochaine épisode d'ici quelques jours. Pense à t'abonner pour recevoir un message dès que c'est publié. D'ici là, porte-toi bien et porte attention aux signes que t'envoie l'Univers. Merci de me lire car je kiffe écrire. love love love Kevin Ps: Si tu aimes mon style, voici 2 autres articles qui pourraient t'intéresser: - Voyage en Ayuverda - La peur d'en finir - une histoire de freins, de ravin et de sphincters
Merci pour le partage Kevin, c'est top, je te regarde de la Thaïlande, il y a des similitudes pour les ambiances tropicales semble-t-il hahaha.
J'adore et suis impatient de lire la suite 😄🤩