NB: Les liens mènent vers des petites vidéos qui illustrent mes propos et tout en bas, je vous partage une vidéo voyage qui retrace ce périple en musique.
Après avoir erré dans les rues pavées, les cafés bondés et les collines ondulées de Prague, il était temps, pour moi d’aller croquer du paysage dans toute la Czechia. Pour me faciliter la vie et me permettre d’aller là où me porte le vent, j’ai loué un break à bon prix que j’allais convertir en maison roulante le temps de mon escapade.
Je n’avais encore jamais conduit de voiture moderne et je me retrouve un peu déstabilisé quand le volant juge par lui-même de la meilleure trajectoire à emprunter ou quand y’a des boutons pour tout mais pas de clef pour démarrer. Je replie les banquettes arrière et improvise un lit de fortune qui me sera juste assez confortable pour rester au sec et dormir où bon me semble.
J’achète un tapis de yoga en guise de lit, et le même genre de petite couverture qu’on vous donne dans les avions pour tenter de supporter les nuits froides. Bon, je dors quand même avec tous mes habits (même si je ne voyage qu’avec 3 t-shirts) et me constitue un semblant d’oreiller avec mes deux paires de chaussettes.
Les nuits sont courtes et inconfortables et elles sont en parfait contraste avec mes journées emplies de beauté et de nouveautés que mes yeux boivent à volonté.
J’ai toujours associé le voyage avec les pauses café et les salons de thé. J’aime m’y installer pour y rédiger des cartes postales, découper des vieux magazines et griffonner mes histoires sur mon petit carnet. C’est dans ces lieux que je prends le temps d’observer l’indigène. Je regarde les vieilles dames siroter leur café trop chaud, ou tremper leur mouillette dans un jaune d’oeuf répugnement gluant. J'étudie d’un oeil discret les plus jeunes qui fixent leurs écrans en imitant leurs parents, ou qui gribouillent des mots emplis d’accents dans leur carnet tout blanc. J’adore aussi écouter les conversations auxquelles je ne pige pas un mot et enfourner mes fantaisies au milieu de leurs dialogues. J’observe leur bouche, et leur placement de langue, les petits bruits qu’ils font pour exprimer leur mécontentement ou leur surprise. Je me permets de tout regarder car je me sens totalement invisible. Mis à part la serveuse qui vient prendre ma commande, personne ne m’adresse la parole, et c’est parfait comme ça. Je suis une mouche discrète et je peux ainsi me mêler des affaires de tout le monde sans passer pour un pervers oculaire. Je suis juste un voyageur observateur admirateur de toute cette splendeur. Je les regarde avec beaucoup d’amour vivre un jour de plus dans la simplicité de leur quotidien. Tout me fascine et je crayonne même des poèmes pour louanger ces mondanités. Quand je ne suis pas dans les cafés, je traine dans les parcs, les cimetières ou les rues et je me laisse guidé par l’intuition et la couleur des maisons. Je marche sans but aucun, et je butine les détails d’un vitrail, les fioritures des fissures et l’armature des sculptures. Je plonge dans la carte du pays et j’en découvre la géographie. Je suis du doigt les méandres du Vltava et réalise que ce fleuve est né d’une bifurcation avec l’Elbe. Je découvre que le pays est bordé au nord par l’Allemagne et la Pologne et au final, je choisi ma destination en fonction du nom tout mignon ou des suggestions glanées lors de discussions. Pour moi la géographie s’apprend au ras du sol, le nez plongé dans les cartes. Il y a quelques jours de cela, je ne connaissais rien de la République tchèque et à présent, ma mappemonde se dessine avec précision. Ma connaissance du monde se dévoile pas à pas, sur le terrain incertain des voyages sans lendemain.
Je découvre Kutna Hora, et sa fameuse chapelle aux mille crânes. Ma créativité s’émoustille face à ces sculptures nécrophiles où les chandeliers squelettiques innondent de lumière poétique. Jamais la mort n’a été aussi belle. Je trace ensuite la route vers le sud et je me retrouve dans un petit bled nommé Telč. Je commence par longer le lac pour m’adonner à mon passe temps préféré = découvrir les jardins des autres. Je m’assois sur un petit ponton, enlacé dans les bras pendants d’un saule pleureur et je laisse mon esprit divaguer dans mes folies botaniques. Je pensais avoir fait le tour du village, quand au détour d’une petite ruelle enjunglée de lierre, je tombe sur une place d’un autre monde. Je me retrouve dans un simulacre des Playmobil où les devantures des maisons ressemblent à des bonbons. C’est beau à en couper le souffle et je trépigne de plaisir devant un tel spectacle. Tout est tellement beau que je n’ose même plus cligner des yeux, par peur d’en perdre une goutte.
Je me rapproche d’un petit restaurant sous les voûtes, où s’apprête à jouer un petit orchestre local déjà bien arrosé. Le serveur parle autant anglais que moi le tchèque, alors je pointe du doigt le nom d’un menu dont l’orthographe me fait sourire et le petit prix plaisir. Quelques minutes plus tard, je me retrouve avec une patte de canard plus grande que l’assiette, du chou rouge cuit au vinaigre et des rondelles de couleurs, cuites à la vapeur, dont je n’arrive pas à distinguer la saveur. Je m’emmitoufle dans une petite couverture mise à disposition et passe ma soirée à remercier la perfection des synchronicités. J’emprunte la route forestière de nuit, en priant pour ne pas croiser la route d’un sanglier, d’un cervidé ou d’un gars trop bourré. Chaque soir, je trouve des spots parfaits grâce à mon nez aiguisé et la formidable application Park4night que j’utilisais beaucoup avec mon camping car. Quand je voyage, je kiffe explorer les lieux retirés, et tomber nez à nez avec des villages enchantés, mais j’ai aussi appris à apaiser mon rebelle solitaire et m’autoriser à faire un peu comme tout le monde. Je ne voulais donc pas passer à côté de Český Krumlov, qui est tout de même un joyau de l’humanité selon nos potes de l’Unesco.
Et puis, comme je voyage toujours à contre courant des saisons, le village est assez dépeuplé de touristes pour pleinement en profiter. Je comprends pourquoi tant de gens veulent y aller. Le lieu est féérique à souhait, tellement beau qu’on dirait qu’il a été Photoshopé. Depuis les petits ponts de pierres, je vois flotter des barques bondées de touristes à la peau rougie par ce soleil de fin d’été. Assoiffés, ils se jettent à l’abordage des cafés pour s’enquiller des ‘trdelnik’, ces fameuses glaces au cornet fraichement roulé, ou des pintes de Kozel à l’effigie d’un bouc faisant du zèle. Peu importe où ton regard te porte, tu trouveras des belles choses à voir - des châteaux qui surplombent l’eau et des églises de toutes les couleurs sauf grises. Même les boutiques touristiques, tenues exclusivement par des asiatiques, ressemblent à des musées pragmatiques. On y trouve du cannabis sans vice pour la justice, de l’absinthe pas si sainte interdite aux femmes enceintes, et des souvenirs pour faire plaisir à ceux qui n’ont pas pu venir. Je me gare sur les hauteurs car j’aime voyager tout en lenteur. Je profite du confort de mon coffre dans lequel je fais des siestes au soleil, m’inspire d’un calumet mérité et fait vibrer du reggae Tchèque dans mes tympans. Après plusieurs jours d’errance, et en l’absence de douche publique, je me planifie un RDV que j’avais prévu bien avant mon arrivée. Dans l’ouest du pays, c’est le coin des bains thermaux et j’avais zieuté un temple du sauna dans lequel je voulais absolument venir suer. J’en profite pour m’offrir ma douche hebdomadaire et quitter mes odeurs de dromadaires. J’ai tellement peu d’habits qu’ils ont déjà tous fait le tour de l’horloge plusieurs fois sur moi. Si tu te souviens bien, tu te rappelleras d’un article dans lequel je te partageai ma passion pour les saunas. Alors, si ta route te mène un jour en République tchèque, je te conseille vivement de t’offrir une journée à Karlovy Vary. C’est un sauna un peu luxueux avec une vue imprenable sur le somptueux village, et ce, depuis le confort d’une chaise longue et d’un café allongé.
La culture du sauna ressemble un peu à celle que j’ai rencontré en Allemagne, mais même si la nudité est de rigueur, on nous propose un long drap blanc que les femmes portent comme une toge, et que les hommes, bas, les hommes ils s’en battent les testicules un peu je crois. J’ai donc l’impression d’être entouré de déesses grecques avec qui je sue de joie (pour info, je me suis quand même douché avant!). Mon moment préféré reste la cérémonie d’infusion. À chaque début d’heure, on se rassemble dans le grand sauna pour assister à une montée en chaleur collective. Le (ou la) maître de cérémonie dépose des boules de glaces infusées aux huiles essentielles directement sur les pierres brulantes. Un nuage de vapeur odorante s’élève à la verticale et au grès d’une danse hypnotique de la serviette, notre hôte nous envoie des bourrasques caniculaires en pleine face. Je trépigne de bonheur et perle à pleine sueur. Le tout suivi d’un PLOUF dans un bain glacé pour revenir à des températures censées. Je passe plus de 8h dans ce lieu et je ressors à 23h, complètement rincé, couleur langoustine, et plus qu’enjoué de retrouver les bras de Morphée, même si ce soir, je suis garé en pente à défaut d’avoir trouvé un coin plat.
Un nouveau jour se lève et je m’embarque enfin vers le nord du pays, là où les roches prennent des formations paradisiaques pour le grimpeur que je suis. Nous voici en Bohème Suisse (même si la Suisse n’a rien à faire ici), en pleine terre de Narnia. J’explore ces contrées, dans l’intimité des formation de grès et tombe nez à nez avec des chefs d’oeuvres d’architecture offert par Dame Nature. Il y a des millions d’années, c’était des fonds marins et aujourd’hui, grâce aux éléments, à la pluie et à l’érosion du temps, nous pouvons admirer ces somptueux paysages que les humains s’amusent à sculpter, escalader et photographier. Je fais des picnics dans des habitations troglodytes et profite des trous de gruyères pour y créer des jardins éphémères.
J’y passerai des journées si la pluie ne s’était pas invitée, et surtout si j’avais de quoi me sécher ou me changer. C’est formidable de voyager léger, mais c’est un peu plus contraignant quand on a épuisé son stock de vêtements secs et propres. Peu importe, je passerai les prochains jours dans l’humidité ambiante d’une tente roulante. Et je dirai, tant mieux pour ma créativité car je redouble d’effort dans les cafés.
La seconde semaine de mon périple est donc passée à me promener sous la bruine, à la rencontre de la flore locale et à tenter en vain de sécher mes affaires qui sentent le chien mouillé. Si vous avez suivi les infos, j’étais là bas au moment des inondations et l’Univers me mettant toujours sur la bonne route, j’ai évité les catastrophes. Merci la vie! Y’a un truc qui m’arrive souvent en voyage et je me demande si ça n’arrive qu’à moi ou si toi aussi tu as déjà vécu ça: La rencontre de dernière minute que j’aurais kiffé faire dès mon arrivée. Alors, je te propose de t’en parler dans le prochain et dernier épisode sur la République tchèque. D’ici là, porte-toi bien, écris de belles choses et planifie ton prochain voyage. Ps: J’organise un voyage collectif en Floride et à Puerto Rico vers le début 2025. Ça te dit? Écris-moi pour plus d’infos. Vague de OUI, Kevin Et comme promis, voici la vidéo qui retrace mon road trip en République Tchèque.