Chaque matin, après mon yoga, je passe 1h30 allongé sur cette table de massage en bois de margousier, à me faire huiler de la tête aux pieds. J'aurai pu être une frite, car petit à petit, je retrouve ma patate.
En Ayurveda on prétend que si on huile quotidiennement le plus raide des bâtons, il finira par s’assouplir. Ça tombe à pic, car niveau raideur, je dois faire parti des bois exotiques. J’ai donc fait un pacte avec moi-même: s’ils arrivent à me faire gagner en élasticité, je promets de vanter leurs bienfaits sur les toits de l’humanité. Et le premier pas commence par mon humble blog. En tout cas, j’ai la peau bien plus douce, onctueuse et veloutée. J’imagine que ce qu’on voit à l’extérieur est le reflet de ce qui se passe à l’intérieur.
De manière générale, je me sens beaucoup plus apaisé, mes gestes sont plus lents et calculés, et mon flux torrentiel d’idées s’écoule en tout petit filet. Je me sens mou du cerveau, mais au final, c’est peut-être ça d’avoir un mental au repos. Moins de superflu pour plus de fluidité Moins de rumination pour plus de concentration. Moins de zèle et plus de zen
Comme je vous l’ai raconté dans mes 3 précédents articles sur le sujet, chaque massage est complémenté d’un des 5 soins ayurvédiques que constitue le Panchakarma. J’ai droit à des petits soins bonus histoire d’adresser mes petits couacs personnels. En cette troisième semaine, je reçois deux soins qui, sur le papier, avaient tout pour être agréables. Ne vous détrompez pas, leur plus grand défaut, c’est moi et ma gêne à exprimer un inconfort. Je ne sais pas d’où ça me vient, mais je préfère me plaindre dans ma barbe que d’exposer mon désarroi publiquement. J’ai toujours fait ça et c’est peut-être pour cette raison que je cultive ma capillarité faciale. Voici un exemple concret - je suis au restaurant et les oeufs au plat que j’ai commandé ‘très bien-cuits svp’ arrivent avec les jaunes dégoulinants. J’ignore pourquoi, et je ne cherche plus à comprendre, mais le jaune gluant me file des frissons de dégoût. Bref, au lieu de renvoyer mon plat pour une seconde cuisson (opération en somme toute simple) je préfère avaler ma frustration et grignoter autant de blanc que je peux sans toucher au coeur de l’oeuf. Avec le recul, je me dis que c’est la peur de gêner combinée à la peur d’être le relou de service qui cause ce silence. Je n’aime pas contrarier, et j’ai peut-être aussi la croyance qu’un glaviot d’amertume finira dans mon plat. Heureusement, j’ai épousé une personne qui me pousse dans mes retranchements et m’aide à fluidifier ma constipation verbale à coups de “Excusez-moi madame (en appelant la serveuse), mon mari veut vous demander quelque chose”. Prenons une seconde pour admirer le contraste entre ma capacité à prendre le micro sur scène, devant des centaines de personnes, et mon mutisme lorsqu’il s’agit de renvoyer un plat en cuisine. Comme quoi, on a toutes des peurs irrationnelles à chatouiller.
Dans cet ici et maintenant, Gina (mon épouse) est à 10h de décalage horaire et je suis seul, et à poil, sur la table de massage. Alors j’accueille ce qu’on me sert et à la cuisson qu'on me le sert. Le traitement de la semaine se nomme pizhichil et il consiste à déverser un filet d'huile chaude sur l'épiderme en insistant sur des points où s’accumulent les toxines. Pour rappel, mon masseur dépasse facilement les 100 kilos et au vue de ses paluches de gardien de but, je me doute que la température de l’huile aie le même ressenti sur lui. Est-ce que la vieille méthode de l’index plongé dans le liquide est un instrument assez fiable? J’en mettrai ma peau dorsale à brûler! Et pour cause! Qui plus est, mon tant apprécié masseur est parfois étourdi par un appel impromptu ou une rêverie passagère, et je me demande avec quelle précision il contrôle la température de l’huile sur le feu.
J’ai plus l’impression d’avoir signé pour un supplice féto-masochiste à la cire qu’à un soin relaxant. Sans exagérer, j’ai l’impression que des cloques vont se former dans le sillage de son passage. Je sers les dents, les fesses aussi, et j’essaye de me convaincre qu’il sait pertinemment ce qu’il fait, que ça fait parti du protocole millénaire et que tout est scientifiquement calculé pour me purifier. Je repense à mes oeufs au plat et me dis que c’est avec cette huile qu’ils auraient dû les faire cuir. Ce sont donc des litres d’huile parfumée qui se déversent méthodiquement sur chaque centimètre de mon habitacle terrestre et qui petit à petit, me donne une teinte rouge langouste. Je ne sais pas si on peut dire que je suis détendu en fin de session, en tout cas, je me sens totalement con-fondu.
On passe ensuite au Navarakkizhi, aussi appelé Shashtika Shali Pinda Sweda (je balance des mots savants pour faire mon crâneur et pour vous forcer à prononcer des termes impossibles). C’est un soin qui m’a particulièrement amusé. On fait cuir du riz brun (probablement avec des herbes magiques), qu’on enrubanne ensuite dans un tissu pour créer une sorte de tampon. On trempe cet outil dans du lait chaud avant de le badigeonner et marteler sur tout le corps. C’est bon pour les os, les joints, la peau, bref, tout! Mon long hiver en Bretagne a absorbé les dernières traces de mon bronzage de grimpeur et je suis arrivé en Inde avec une peau presque translucide. Je n’ai pas l’habitude d’être aussi pâle et je ne suis pas étonné quand on me demande si je suis Allemand. Avec ce traitement, je me transforme alors en Geisha moustachue, recouvert d’une fine couche d’amidon de riz, ce qui j’admets, me laisse une peau aussi onctueuse qu’avec un savon au lait d’hérisson.
Pour tout vous dire, je fais entièrement confiance en cette médecine, et surtout, je n’ai aucune attente en particulier. Je pense m’être tellement habitué à mes douleurs articulaires, à mes irritations cutanées et à ma sur-activation cérébrale que la moindre amélioration sera une grande avancée pour moi. C’est avant tout par goût de la nouveauté et de l’exploration que je suis venu vivre cette aventure. Et aussi pour challenger certaines de mes tendances. Car voyez-vous mes amies, je n’ai pas l’habitude d’investir en moi et ma santé. Je dépense facilement mon argent dans des voyages, dans du matériel sportif et dans des expériences mais lorsqu’il s’agit d’investir en moi et ma santé, je deviens tout de suite plus économe. Et pourtant, on le sait tous, la santé est essentielle, la santé c’est la longévité, la santé c’est aussi honorer la vie. Je sais!!! Mais en vérité, j’ai d’autres priorités. La bonne nouvelle est qu’il est toujours temps d’évoluer et à présent que j’approche la fin de la première moitié de ma vie, j’aimerai m’offrir une seconde mi-temps dédiée à vivre en pleine santé. Cette cure est donc symbolique pour moi car elle matérialise un réel investissement en moi. Et plus sainement je vivrai, plus longue ma contribution sera.
Alors, je me souhaite de vivre encore longtemps, pour vous conter des milliers d’aventures futures. Je termine ce récit ici (votre temps de vie est précieux) et je vous donne rdv d’ici quelques jours pour vous raconter la difficulté que j’ai eu avec les deux derniers traitements. Disons vulgairement que j’en ai eu plein les yeux et que j’en ai pris plein le cul. Bref, je vous retrouve dans quelques jours. D’ici là, prenez soin de ce que mangez et encore plus de ce que vous pouvez digérer. Love love love Kevin Ps: Voici la cinquième et dernière partie Pps: Je vous invite à regarder ce documentaire qui parle des miracles de l'ayurveda. Mon Docteur Indien.
super interesting BUT not for everybody. There is no way I could do what you are doing. I just hope you get all the results you needed and were hoping for.